Pratique « à la maison » ou l’autonomie en yoga.

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Parmi les lecteurs d’Infos Yoga, il y a des enseignants mais aussi de simples pratiquants. Quelques uns d’entre eux n’ont pas encore franchi le cap du vécu du yoga hors de la salle de cours et aimeraient bien, sans trop savoir comment, aborder une pratique personnelle.

Passant d’une situation confortable de relative « passivité », qui est celle du cours collectif où l’on est guidé du début à la fin, dans une structure de travail pensée et composée par l’enseignant, à l’expérience du travail individuel, à la maison, est un aspect de la pratique que beaucoup n’osent pas se permettre. En effet, devoir passer du travail de groupe à l’expérience solitaire, être à la fois le guide et l’expérimentateur, dans un face-à-face avec nous-même, peut être tout aussi inquiétant qu’enthousiasmant.

Le cours collectif.

Mais, après tout, pourquoi ne pas se contenter du cours collectif hebdomadaire ?

En effet, dans le cours collectif nous sommes comme dans un cocon. Nous nous retrouvons dans un endroit qui n’est ni celui du travail, ni celui de la maison, coupés des sollicitations habituelles.Ce rendez-vous là est une agréable parenthèse dans notre quotidien. Quand nous arrivons sur le tapis de yoga, nous passons d’un état d’agitation et de relatif éclatement, lot de nos activités journalières, à un état d’apaisement, de remise en cohésion et de rééquilibrage.

Et même si chaque posture a un retentissement personnel, intime, il y a dans le cours collectif des hommes et des femmes réunis dans une même expérience. Par-delà les différences d’âge, de condition, par-delà les différences physiques et de constitutions, nous sommes confrontés aux mêmes difficultés et aux mêmes bonheurs, et cela sans compétition. En général, nous avons tendance à croire que nos difficultés personnelles sont uniques, et le fait de voir qu’à côté de nous il y a, ou il y a eu, les mêmes difficultés, cela nous rassure, cela dédramatise. Implicitement, nous sommes dans le partage.

Ainsi le groupe est porteur.

L’enseignant.

Mais il y a surtout un rapport privilégié avec l’enseignant. Une relation de confiance, et c’est primordial, s’établit entre les élèves et leur enseignant. En acceptant d’être guidé par une voix qui n’est pas la nôtre, avec des mots qui ne sont pas forcément les nôtres, en acceptant de suivre un déroulement de travail que l’on n’a pas choisi, on s’installe volontairement dans une situation d’apprenti. On s’ouvre à l’expérience d’un savoir que quelqu’un d’autre va nous transmettre.

Même dans un cours collectif s’installe cette relation très subtile. L’enseignant nous connaît personnellement, non seulement à travers ce que nous lui avons dit, mais surtout par l’observation très attentive de notre pratique . Il sait où cela « grippe » pour chacun, les facilités et les difficultés des uns et des autres. Son rôle est de nous aider à développer nos propres qualités d’écoute pour que nous vivions nos postures le mieux possible et que nous optimisions notre vécu en yoga.

S’il n’y a pas de dogmatisme ni de problème de suffisance personnelle de la part de l’enseignant, et si l’élève n’est pas suspicieux et ne fait pas de la résistance, alors s’établira un vrai rapport d’échange. Il se peut même que le professeur devienne alors intelligent et créatif, car les élèves nourrissent son expérience autant qu’il les nourrit de la sienne.

Tout cela rend le cours collectif et les stages extrêmement précieux pour tout le monde.

Alors, pourquoi ne plus se suffire de cette pratique déjà si enrichissante et vouloir passer à autre chose ?

Pourquoi le travail personnel ?

Tout simplement parce que ce qui caractérise le yoga c’est qu’il s’agit essentiellement d’une aventure personnelle.

Le yoga c’est ce qui nous permet d’être reliés. En pratiquant nous sommes reliés à nous-mêmes. Ce vécu de bien-être, de construction, d’ouverture, ne doit pas cesser dès que nous sortons de cours. Nous devons le prolonger hors du cocon de la salle. Sans abandonner le cours collectif, nous devons ouvrir notre champ d’expérience.

En pratiquant tout seul, à la maison, il y aura moins de « coupure » dans cette relation avec nous-mêmes car le yoga s’installera dans notre quotidien, il ne sera plus une expérience à part. A ce moment-là nous réaliserons que, bien plus qu’une technique de bien-être, le yoga est un vrai chemin de vie, permanent.

L’expérience du yoga chez soi va nous obliger aussi à trouver et à développer notre guide intérieur, ce qui nous rendra moins dépendants et éliminera toute relation de pouvoir avec quiconque ou du moins la réduira considérablement. Ainsi, en trouvant notre autonomie nous trouverons notre liberté.

Alors, en un mouvement de balancier, le travail collectif sera vécu de façon plus lucide, moins passive, plus profonde et donc plus profitable.

Ainsi, nous passerons de l’expérience de faire du yoga à celle d’être en yoga.

COMMENT ?

Une fois la décision prise, animés d’un grand enthousiasme et pleins d’énergie « héroïque », après avoir éloigné mari/femme, enfants, chiens, chats, téléphone, voisines et belle-mère, nous avons réussi à nous isoler dans un coin de la maison. Nous voilà sur un tapis, et puis…quoi ? que faire ? par où commencer ? que choisir ?

Mais, tout d’abord, il va y avoir un petit travail à faire en amont. Au début de notre pratique autonome il vaut mieux noter sur un papier un schéma de postures. Quelque chose de modeste, de pas trop ambitieux, en nous appuyant sur un manuel ou sur les notes que nous avons éventuellement prises à la suite des cours avec notre enseignant.

Ne cherchons pas d’emblée à construire une longue séance. On peut se proposer une posture qui sera le « cœur » de la séance . Cette posture sera à préparer, peu ou prou selon les besoins, on la réalisera, et puis on abordera une ou deux postures de rééquilibrage, ensuite une assise permettra un petit prânâyâma, suivi d’une plage de silence.

Ne nous lançons pas non plus d’emblée dans une posture statique. Il faut préparer le corps, le souffle et le mental comme si on passait par un sas de décompression. On n’entre pas dans le yoga sans quelques préparations préliminaires qui vont nous apaiser, nous défaire de l’agitation coutumière, d’un vécu tourné vers l ‘extériorité, voire de la superficialité, pour nous amener vers l’intériorité et le recentrage.

Une séquence dynamique de type Salutations au Soleil est une excellente entrée en matière, car, comme dans le quotidien, nous serons dans une activité, mais cette fois canalisée. Dans les Salutations, le corps va se délier, s’ouvrir, s’équilibrer. La relation geste-souffle va recentrer le mental, et cette séquence, si elle se vit en conscience, va aussi installer une relation plus fine, plus profonde, avec notre espace intérieur et avec l’espace environnant, donc avec le monde. Le lien commence à s’établir.

Les Salutations peuvent même être pendant quelque temps notre « posture clef », le temps de nous installer dans cette nouvelle discipline domestique. D’autant plus que les Salutations sont idéales pour introduire de nombreuses variations de vécus. Nous pouvons librement y développer notre créativité.

Puis, quand cela viendra, on peut passer au choix d’une posture statique « cœur de séance » comme vu ci-dessus.

Quand ce sera le cas, une fois la posture choisie, observons sur quoi va porter cette mise en forme physique (dos, épaules, bassin, pieds, tête, etc…), et aussi ce qu’elle va exiger de nous (souplesse, puissance, équilibre…) ainsi pourrons-nous mieux cibler les postures préparatoires et la ou les postures de rééquilibrage ou de complémentarité.

Une fois en situation, installons-nous dans la posture. Et c’est là que le cours collectif a son utilité. Mettons en application les recommandations du professeur, ses observations et ses exigences d’attention. Apprivoisons la posture en suivant les pistes proposées par notre enseignant et en nous ouvrant plus librement à nos propres résonances.

Où?

Le manuel Hatha Yoga Pradîpikâ porte une attention particulière sur le lieu le plus adéquat pour pratiquer le yoga :

(H.Y.P. I, 12, 13, 14)

(1) « Le Hatha yogin doit s’établir dans un pays bien gouverné, où les lois du dharma sont appliquées, où les aumônes en nourriture abondent, en un lieu à l’abri de tout trouble, et pratiquer à l’intérieur d’une petite cellule de la dimension d’un arc, exempte de pierres, de feu et d’eau, et située dans un endroit solitaire.

(2) – La cellule doit avoir une petite porte ; être sans fenêtre, sans trou ni fissure, ni trop haute ni trop basse, correctement enduite d’une épaisse couche de bouse de vache, propre, absolument exempte d’insectes. L’extérieur doit être plaisant, agrémenté d’une grande salle ouverte en plein air, d’une plate-forme surélevée, et d’un puits, le tout entouré d’un mur d’enceinte. Telles sont les caractéristiques d’une cellule de yoga décrite par les « siddha » (1) experts en hatha yoga.

- Prenant place dans une telle cellule, et libre de tout souci, il doit se consacrer exclusivement à la pratique du yoga, selon la voie enseignée par son guru. »

À défaut de puits, de bouse de vache, d’un pays au régime politique et social idéal, et d’un bâtiment spécialement construit pour le yoga, trouvons chez nous un coin où nous pourrons nous isoler. Une pièce pas forcément très grande (4m2 suffisent amplement à la pratique, même moins). L’endroit doit être propre, pas ou peu bruyant, ni trop chaud ni trop froid, et si possible éclairé par la lumière du jour, ou jouissant d’une lumière agréable, bref, un espace où nous nous sentons bien.

Le matériel est on ne peut plus simple : une couverture ou un drap de bain un peu épais, et quelque chose qui puisse servir d’assise. La tenue sera confortable, nous pouvons même, si nous le désirons, être simplement « vêtus d’espace ».

S’il nous prend la fantaisie de travailler dehors, évitons de le faire en plein soleil à cause du « coup de bambou », évitons aussi la plage remplie de baigneurs curieux et goguenards et, d’une façon générale, évitons de nous produire en spectacle.

L’expérience de la pratique dehors est à vivre surtout pour observer les difficultés de concentration dues à l’espace ouvert et aux sons qui nous bombardent en permanence. Nous nous rendrons compte alors à quel point les murs et le plafond d’une pièce nous servent de support et, par là même, que nous ne sommes pas cuirassés dans notre peau et que nos sens subtils se développent dans l’espace bien plus loin que ce que nous pensons.

Cet espace, à l’intérieur d’un bâtiment, d’une maison, est le pendant de notre espace intérieur, il entre en résonance avec le nôtre et favorise le développement de nos énergies et de notre intériorité.

Il est important aussi de travailler toujours au même endroit, sauf, bien sûr quand nous sommes en déplacement ou en vacances. Avec le temps, et sans que nous nous en rendions compte, ce lieu deviendra notre âshram. Il sera porteur, favorisant l’étude, la pratique assidue, l’intériorisation.

Bien sûr, rien n’empêche la pratique dehors, cela nous ouvre à d’autres dimensions, à d’autres expériences.

QUAND ?

Il est classiquement convenu qu’il faut pratiquer le matin, au saut du lit. Mais, ni la Hatha Yoga Pradîpikâ ni la Gheranda Samhitâ ne mentionnent ni un moment ni une heure qui soient plus adéquats que d’ autres.

L’important, c’est de tendre vers une pratique quotidienne, car, si pour une raison ou une autre nous ratons notre séance à l’heure « officiellement » programmée, alors nous ne ferons jamais rien.

Selon nos possibilités, essayons divers moments dans la journée tout en observant les différentes ambiances, et trouvons le moment où la pratique est, pour nous, la plus confortable et la plus profitable. En l’occurrence, ni l’expérience ni les horaires des autres n’ont de valeur.

Faire notre pratique tous les jours à la même heure va nous permettre de l’intégrer plus facilement dans un planning quotidien. Mais ne soyons pas rigides sur l’heure. Peu importe le moment pourvu que nous pratiquions.

Pour installer la discipline d’une pratique autonome, rusons avec nos résistances et notre paresse innée. Ne nous programmons pas d’emblée une séance d’une heure par jour. Commençons par une séance par semaine, courte, mais tenons-nous y impérativement et de façon très résolue. Progressivement nous serons moins éparpillés, plus efficaces, et notre volonté s’en trouvera fortifiée. Alors s’instaurera une discipline qui, en s’ancrant, développera en nous le désir de pratiquer plus souvent, et ce jusqu’à la pratique quotidienne.

LES OBSTACLES.

Outre le fait d’avoir à « trouver le temps », un des obstacles à la pratique chez soi peut venir de l’hostilité familiale. Il s’agit surtout du conjoint, car les enfants acceptent sans problème que leur mère ou leur père s’épanouisse dans une activité personnelle. Ils prennent ainsi conscience de l’autonomie de leurs parents, ce qui les déculpabilise de leurs propres mouvements de liberté vis-à-vis d’eux. Le monde parental n’est alors pas uniquement centré sur eux, d’où un grand respir dans le noyau familial.

Quant aux éventuelles réactions négatives du conjoint, c’est une bonne occasion pour faire le point sur les plages de liberté du couple et sur le respect de la démarche de l’autre.

Il faut tenir bon. En général les oppositions s’effondrent très vite, et nous en sommes les premiers surpris. Ce qui nous permet de prendre conscience que les chaînes que l’on pense venir de l’autre sont en fait les nôtres.

Imposons à notre entourage le respect de notre activité, simplement, gentiment, mais de façon inébranlable. Et sachons couper court aux sollicitations permanentes des uns et des autres. Tout le monde s’en trouvera grandi.

Quelquefois nous pouvons aussi être confrontés à l’hostilité d’un groupe plus élargi (autres membres de la famille, collègues de travail, amis…).

On peut expliquer une bonne fois pour toutes que notre pratique nous fait autant de bien que de regarder un match à la télé.

Nous pouvons même proposer à certains de les mettre sur le tapis pour les initier. Plus personne ne nous dira quoique ce soit.

Banalisons notre pratique en la faisant passer pour une gymnastique améliorée. Il est inutile de parler de notre recherche intérieure à qui ne partage pas la même expérience. C’est non seulement inutile, car cela n’apporte rien aux autres, mais en plus nous y perdrions notre cohésion, notre force intérieure. Nous serions en déperdition d’énergie.

La meilleure solution est de ne pas claironner à tout va que l’on fait du yoga.

LES MANUELS.

À ma connaissance il n’y en a pas de complètement satisfaisants. Non que la qualité de leurs rédacteurs soit à mettre en cause, mais l’apprentissage du yoga s’effectue par d’autres voies que celles des ouvrages techniques. S’il s’agissait d’une simple connaissance technique, des manuels un peu sophistiqués suffiraient et le yoga, en devenant une gymnastique posturale, y perdrait alors son « âme ». La transmission doit se faire de maître à élève, d’expérience à expérience. Ce que nous vivons sur le tapis, notre enseignant l’a lui aussi vécu. Il sait dans toutes les fibres de sa personne quelles en sont les résonances . Il peut ainsi nous aider à passer les caps un peu difficiles, à ne pas nous disperser, à ne pas baisser les bras, à aller à l’essentiel, etc…

Les manuels n’ont d’utilité que comme « pense-bêtes ». Et, pour un travail sérieux, proscrivons les ouvrages richement illustrés de postures acrobatiques et extrêmes. Elles n’ont d’autre intérêt que de satisfaire une curiosité exotique et, de fait, servent de repoussoir pour ceux qui voudraient commencer une pratique.

Quant aux séances proposées par Internet, il vaut mieux en oublier l’existence. Regarder un écran tout en essayant de reproduire ce qu’on y voit nous plongerait dans une extrême passivité et superficialité. Le champ intérieur resterait cloisonné au boîtier de l’ordinateur.

Tout cela corrobore le fait que l’enseignement du yoga est essentiellement oral et direct, d’un individu à un autre, d’une conscience à une autre.

Alors, pour alimenter notre pratique, il vaut mieux, une fois de retour à la maison, récapituler la séance et noter sur un cahier ou sur des fiches, le cours que nous venons de faire avec notre professeur. Tout en ayant cultivé notre mémoire, nous aurons, au bout d’un certain temps, un petit manuel de cours de yoga. Ce qui ne nous empêchera pas de demander précisions et conseils à notre enseignant.

AIMER OU NE PAS AIMER UNE POSTURE

Quand on a déjà bien mis en place une pratique régulière, nous nous rendons compte que nous avons tendance à refaire toujours la même séquence, faisant l’impasse sur certaines postures qui nous sont plus étrangères ou qui nous déplaisent.

Nous savons bien que le yoga n’est pas toujours vécu comme un champ de fleurs. Il y a des postures difficiles, des postures que l’on n’aime pas, des qui nous font frémir, des qui nous ennuient, des qui nous terrorisent.

Alors on les « oublie ».

Les postures sont des mises en forme physiques qui ont des résonances sur les « formes » intérieures (psychologiques, intellectuelles, affectives, spirituelles…) correspondantes.

Ne pas aimer une posture, c’est découvrir la ou les formes (physiques et mentales) que nous ne voulons pas aborder, celles qui sont le plus étrangères à ce dans quoi nous sommes installés, volontairement ou non.

Ces postures-là sont donc celles qui nous manquent, qui nous font défaut si nous voulons être en pleine possession de tous nos moyens et de toutes nos potentialités.

En nous obligeant à nous mouler sans cesse dans de nouvelles formes, nous allons être obligés de fluidifier, de faire éclater les rigidités, de repousser nos limites.

Il ne s’agit pas de faire du pratiquant une bête de cirque, ni un fakir. Car le travail immodéré du corps est déséquilibrant et nous ferait basculer dans un autre carcan. Nous resterions limités dans le technique, dans le physique, et si tout est engagé dans le physique il n’y a de place pour rien d’autre. Il ne s’agit pas non plus de briser les lois physiques, car ne pas nuire et ne pas se faire violence est la première grande loi du yoga.

Bon sens et intelligence doivent primer.

Si nous ne négligeons pas les postures que nous vivons comme difficiles, si nous les abordons régulièrement, avec opiniâtreté, dans leurs variantes simples et en conscience, petit à petit va se déployer la grande richesse de nos potentialités. Car, dans l’immense variété des postures, chacune offre une large palette de variations, allant de l’approche la plus simple à la plus extrême. Alors le yoga va devenir ce qu’il doit être. Les postures vont être des portes ouvrant un chemin de transformation et d’évolution. Et ce sera une véritable naissance à nous-mêmes.

Il n’y a pas que les postures statiques qui peuvent poser problème.

Par exemple, certaines personnes n’aiment pas du tout les Salutations au Soleil et en font l’impasse dans leur pratique.

Peut-être que cette dynamique éveille en elles un refus à aborder des situations qui se succèdent rapidement, des difficultés à faire jouer l’adaptabilité immédiate, à accueillir ce qui bouge et ce qui change avec fluidité. Ou bien ne veulent-elles pas affronter leurs difficultés physiques mises plus en évidence dans le mouvement que dans les postures statiques.

Il peut s’agir aussi d’un refus à mémoriser quoi que ce soit. Ou bien à ne pas vouloir s’ouvrir à des gestes symboliques qui engagent la totalité de l’individu, un refus à donner une dimension sacrée à la vie.

Donc, observons nos réticences, nos fausses justifications, même celles qui nous font trouver des excuses et des prétextes pour ne pas pratiquer à la maison, ou même pour arrêter le yoga !

VIVRE EN YOGA

La pratique à la maison, sans que toutefois nous renoncions au cours collectif, va être pour nous un tremplin pour prolonger la « posture yoga » dans l’immersion du quotidien.

Vivre en yoga, c’est être attentif à sa « posture » dans la vie : comment nous tenons-nous, comment marchons-nous, comment mangeons-nous, comment nous adressons-nous aux autres, sur quel ton, avec quelle voix ? que traduisent nos attitudes ?

Sommes-nous tout autant ouverts à l’intériorité qu’à l’extériorité ? sommes-nous vulnérables, fragiles, en fuite à l’intérieur de nous-même ? goûtons-nous pleinement la richesse et la beauté qui nous entoure ?

Refusons-nous de voir simplement tous les aspects de la réalité, sommes-nous tout autant observateurs que participants (et vice-versa) ?

Comme pour la pratique posturale, vivre en yoga demande que l’on soit totalement présent.

Dès que nous nous surprenons à être emportés par nos pensées, à être dans des gestes mécaniques, dès que nous nous laissons piéger par des stupidités, ou embarqués dans le futile, l’inutile, le non-essentiel, reprenons le fil de notre conscience, du souffle de notre intériorité.

Refusons de vivre une vie imposée, convenue, gérée par d’autres que nous-mêmes.

Alors, cet apprentissage du yoga à la maison va devenir un apprentissage à notre propre gestion, et générera un réel travail en profondeur sur les chemins de notre liberté.

(1) siddha : homme de connaissance, sage, homme réalisé, accompli

Marguerite Aflallo, Pratique « à la maison », été 2013.