Le lanceur de javelot.

le lanceur de javelot

Aujourd’hui, essayons de mettre en place et de comprendre cette belle posture debout que le yogi Babacar Khane appelle «  le Lanceur de Javelot » in Yoga de la verticalité – éditions Dervy.

Mise en place technique

Debout, les pieds dans un écartement naturel, on avance le pied droit d’un petit pas, le talon droit sur la même ligne que le bout des orteils du pied gauche. Le poids du corps reste également réparti sur les deux pieds. Le bassin ne pivote pas (s’il le faut, vérifier en mettant les mains sur les crêtes iliaques).
Sur une inspiration, les bras vont s’ouvrir latéralement jusqu’à l’horizontale, paumes des mains vers le haut. Les épaules restent à leur place, basses, souples, détendues. Puis, les avant-bras vont se positionner à la verticale, perpendiculaires par rapport aux bras, les paumes des mains tournées vers le ciel, comme tenant un plateau, le bout des doigts vers la droite et la gauche (pour les personnes habituées au yoga égyptien on montera les bras selon l’ouverture des ailes de l’aigle).
Après ce positionnement, vérifier que les épaules sont toujours à leur place et toujours détendues. Puis, sur une inspiration, on pivote le buste, le bras gauche
devant, le droit derrière, le visage reste tourné vers l’avant. Le bassin ne bouge pas. En expirant, on abaisse l’avant-bras gauche de façon à ce
que le bras reste dans le prolongement de l’épaule, la paume toujours tournée vers le haut. Ensuite la main droite va se redresser, le bout des doigts vers le haut, et le poignet tourner de façon à ce que la paume soit dirigée vers l’extérieur, comme en appui sur un mur invisible.

A présent va s’établir une circulation de souffle. Nous allons inspirer comme si nous captions les énergies d’en haut par le bout des doigts de la main droite (celle qui
est derrière ), faire couler ce souffle jusque dans la poitrine et, sur l’expire, envoyer le souffle à travers le bras gauche, la main gauche, et le laisser jaillir loin devant.
Recommencer ce même circuit à chaque respiration.

Après avoir goûté la posture sur quelques respirations, en inspirant on ramène le buste dans l’axe, en expirant les bras s’abaissent (ou bien on referme les ailes de l’aigle selon l’enchaînement du yoga égyptien) et sur une autre expiration le pied droit reviendra au point de départ, à côté du gauche.

Après un temps d’observation on met en place la posture de l’autre côté.

Observations

Dans cette posture notre « forme » est celle d’une marche immobile,
avec la particularité que le balancement naturel de la marche extérieure s’est accentué et arrêté en une torsion spiralée de la colonne vertébrale, induisant une très forte dynamique depuis sa base jusque dans la nuque.
La position des bras et celle de la colonne amènent une puissante sollicitation de la ceinture scapulaire et du thorax.
Dans la posture, la vigilance va porter sur le maintien intensément vertical de la colonne vertébrale, sur un lâcher des tensions inutiles dans les bras et les épaules, une tenue ferme du bassin et sur l’enracinement équilibré des pieds dans le sol.

Approfondissements

L’immobilité de cette « marche » nous installe dans une attitude de marche intérieure.
De par leur positionnement, les outils d’action que sont nos bras et nos mains vont susciter en nous une recherche de sens.
Habituellement les mains sont à la fois outils de service et instruments de développement de notre intelligence technique. Par là elles sont liées au cerveau.
Dans cette posture, la main dont les doigts sont pointés vers le ciel n’est plus guidée par le mental mais « touche » les énergies des Sources et est en prise avec elles. Le jeu du souffle va lui permettre, sur l’inspiration, de les capter et, par le passage du bras, d’alimenter l’espace du cœur de ces mêmes énergies.
Là, le souffle va se nourrir des qualités propres à ce centre: l’ouverture, le rayonnement, la beauté et l’amour.
Le souffle de l’expiration, fusant comme un javelot à travers le bras et la main tendus devant, va colorer de ces mêmes qualités l’espace de notre avancée intérieure.
Ainsi, nourrie du subtil, notre marche intérieure se fera « le cœur sur la main ».
Par-delà le verbe discursif et le mental, les mains deviendront « mudrâ ». Chaque main deviendra geste-parole profonde, essentielle et transformatrice.

La puissance de cette posture vient aussi de l’ouverture de la ceinture scapulaire et de la position des bras.
Plus que les mains, les bras sont liés au souffle, à la force du souffle.
Les épaules sont les racines stables des bras, elles en sont l’assise et le soutien. Là, les épaules sont à la fois souples et solides. Elles permettent de « ne pas baisser les bras ».

La torsion de la colonne vertébrale nous installe dans une forte dynamique de redressement. Le passage des lombes, à la fois fluides et fortes, vraie « porte des hommes », sera le garant de la tenue permanente de notre verticalité.

Le regard droit devant va avoir lui aussi une importance non négligeable.
Il accompagnera le souffle au loin et imprégnera l’espace de son feu intérieur.
Les yeux sont liés aux énergies Manipura et aux énergies Ajna, les deux centres du vouloir.
Le bassin fermement tenu, cette zone du « poêle à feu continu » va alimenter ces qualités de volonté, de puissance et d’enthousiasme qui vont imprégner notre regard et la posture tout entière.

Ce « lanceur de javelot » s’inscrit dans la série des postures « guerrières », celles de type Hanumän, où l’accent est mis sur les qualités d’ouverture du cœur.
L’énergie captée du ciel et nourrie des qualités de l’espace du cœur va donner en quelque sorte sa « couleur » à l’espace dans lequel nous avançons et jaillir loin devant. C’est là notre arme. C’est notre « javelot ». Un javelot puissant , à longue portée et qui va loin.
La rigueur de notre maintien, porté par la fluidité et la force de la colonne vertébrale, nous installe dans une verticalité solide, entre terre et ciel, à notre place.
Et le pas de cette avancée place la posture et notre individu tout entier dans une attitude intérieure où, désormais, nous pourrons librement marcher dans la beauté.

Appendices

Par quel côté commencer ?
Quand nous abordons des postures « par moitié » se pose le problème de par quel côté commencer , en sachant que la posture doit être vécue le même temps d’un côté et de l’autre.

Deux possibilités se présentent:
Soit on commence par notre côté « difficile », pour pouvoir ensuite vivre l’autre côté le même nombre de respirations. Si on faisait le contraire, le côté facile d’abord, le deuxième côté pourrait être en souffrance.

Soit, plus subtilement et s’il n’y a pas de difficulté majeure dans un côté particulier, on commence par le côté droit, celui de l’action extérieure, pour terminer sur celui de l’intériorité, le gauche, puisque notre démarche en yoga va dans le sens de l’extérieur vers l’intérieur.

Hanumän :
Fils de Vâyu, le  Vent , « souffle des dieux, germe de l’univers » (Rg Veda), Hanumän, le roi des singes, est un très grand guerrier.
Il faut savoir qu’en Orient le singe représente l’homme non réalisé, c’est-à-dire nous-mêmes.
Chef des armées, il mettra toute sa puissance de combat au service de l’amour divin et de la dévotion à Räma et à son épouse Sïtä.
Ses énergies guerrières deviendront le symbole du combat pour la spiritualité.

Marguerite Aflallo, Le lanceur de javelot, décembre 2006.