Vâc, la parole.

YMA_vac la parole

« Je vais avec les Rudra, avec les Vasu,
Je vais avec les Âditya et avec tous les dieux. Je porte à la fois Varuna et Mitra,
Je porte Indra et Agni, je porte les deux Ashvin.

… Je suis la souveraine, en qui confluent tous les trésors… … Quiconque j’aime, je fais de lui un puissant
J’en fais un prêtre, un voyant, un sage.
… C’est moi qui tend l’arc pour Rudra…

… Terre et Ciel sont sous ma loi.
C’est moi qui enfante le Père au sommet de ce monde.

Moi qui suis née au fond des Eaux dans l’Océan des origines,
J’ai pénétré dans tous les êtres de ce monde-ci jusqu’à l’autre.
Je suis pareille au Vent (Vâyu) qui souffle et qui prend tout ce qu’il veut ; Je m’avance avec lui, je parcours le ciel et la terre,
Je les remplis, je les dépasse par ma Puissance et par ma Grandeur »

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Telle est décrite Vâc (vâc : prononcer « vaatch ». On trouve souvent «vâc» écrit au nominatif «vâk» dans les Veda.)

Nous sommes alors en des temps archaïques, en cette époque dite védique dont les datations remontent assez sûrement à 2000 ans avant notre ère, et les plus anciennes pourraient aller jusqu’à moins 4000 ans.

En ces temps-là, la Mère Première, la Mère Universelle, s’appelle Aditi, la “sans limite”, la “sans entraves”, la “non divisée”, l’Infinie. Elle sera aussi la “dé-lieuse”, celle qui défait les nœuds et les chaînes. Féconde et nourricière comme la Terre, on la compare à une vache laitière (go), mais surtout, elle est assimilée à la Vache Cosmique, Kâma Dhenu. Or l’aspect principal d’Aditi sera la Parole : Vâc.

Comme la Vache Cosmique a quatre pis, la parole sera divisée en quatre parts : un quart du langage sera utilisé par les hommes, un quart par les mammifères, un quart par les oiseaux et un quart par les reptiles.

De même, chaque état de la matière aura son langage :

  • le langage des odeurs (terre)
  • le langage du goût (eau)
  • le langage visuel (feu)
  • le langage tactile (air)

(RG VEDA X,125)

Un rishi, l’arbre Parijata et Kamadhenu avec un corps de vache, une tête humaine, la queue et les ailes d’un paon.

Mais surtout : « La parole est mesurée en quatre quarts que connaissent les brahmanes doués d’intelligence. Trois demeurent secrets et immobiles, les hommes parlent le quatrième quart de la Parole.» (Rig Veda I, 64, 45)

Ainsi, le langage parlé ou écrit ne peut exprimer qu’un quart de ce qui peut être expérimenté. Le reste demeure plongé dans le silence. Plus loin nous retrouverons et développerons une spéculation particulière sur les quatre niveaux de la parole. Dans le Veda, Vâc est la puissance par laquelle tous les dieux et tous les êtres sont manifestés. Elle est la fondatrice. Plus tard, à l’époque classique, Sarasvatî (« celle qui consiste en flots »), la parèdre de Brahmâ, sera porteuse des qualités de Vâc. Les flots porteurs de vie deviennent flots porteurs de la parole, «rivière des mots». Vâc est l’épouse de Brihaspati, le dieu de l’intelligence, le précepteurs des autres dieux, et le maître de la Parole Sacrée (brâhman). L’union de Vâc et de Brihaspati sera celle du Verbe et de l’Intelligence, donc dès le tout début pensée et parole seront indissociables.

Vâc sera intimement liée à Agni, le Feu, car la Parole est puissance et son ardeur permettra de brûler tous les obstacles et de rétablir un ordre juste. Mais selon l’usage que l’on en fait, la parole peut aussi, par exemple avec la calomnie, être destructrice et dévaster l’unité des communautés humaines.La parole est donc une arme. Le mythe de Vala en est un bel exemple (il sera développé) et, en infra-langage :

  • krandana (de krand : hurler, rugir) le cri, la vocifération
  • rava : le hurlement
  • virava : le hurlement déchirant
  • vikrosha : le cri animal

« Certains, en regardant la parole, ne l’ont pas vue, certains, en l’entendant, ne l’écoutent pas. Mais aussi à certains (elle offre) volontiers sa beauté comme une femme amoureuse, élégamment parée (s’offre) à son mari.»
(RG VEDA X, 71,4)

L’époque védique est l’époque de la Shruti, l’audition. Toute la Connaissance et tout le Savoir (Veda) ont été « entendus » par des hommes, les rishis, dont l’intuition spirituelle a capté l’essence de l’indicible puis l’ont transmise oralement. Cette audition s’accompagne aussi d’une intuition visuelle (vid : voir, connaître, savoir), ils furent aussi des « clairvoyants ».

Vâk, déesse de la parole, parfois assimilée à Sarasvati.

Toute cette « science » métaphysique a, pendant une longue période, été récitée rigoureusement. Même quand l’écriture fut largement développée, pendant longtemps la transmission par l’écrit resta considérée par les maîtres comme un abâtardissement de la connaissance spirituelle. Car le Veda, considéré comme un dogme révélé,

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Brihaspati (dans le prochain article).

Le dieu Pûshan, comme Hermès chez les Grecs, joue un rôle important dans les échanges entre les hommes et les forces divines car « il connaît les chemins et guide en pleine sécurité ». Il sera associé à la transmission et aux déplacements de la parole, à la communication, et même à l’intuition poétique. Dans l’iconographie postérieure, le symbole de la parole sera l’arc, et tous les dieux archers bénéficieront de la puissance de la parole. Enfin, Vâc va être bien évidemment inséparable de Prâna, le Souffle, « dans le souffle est ce qui fut et ce qui sera, dans le souffle toutes choses ont leurs assises ». (Atharva Veda 11,4)

Le son-parole.

Dès le début plusieurs noms vont désigner le son manifesté et le son humain :

  • vâc : la parole, la faculté de parler
  • shabda : le son, le mot, tout le domaine du verbal
  • vâni : la voix, l’aspect phonique et acoustique de la parole
  • bhâshâ : la parole dans une « langue » donnée, surtout pour les langues autres que le sanskrit
  • gîr : la parole poétique, l’invocation (gîtâ : le chant sacré, gîti : la chanson)
  • brâhman : la parole sacrée, celle des prêtres, celle qui disperse les ténèbres
  • vip ou vipas : la parole « tremblée », « inspirée » dans l’état de transe, parole mystique ou chamanique
  • mantra : la « formule » symbolique et sacrée, le son sacré

ne voulait pas se prêter à l’ouverture des théorisations personnalisées amenées par l’écriture. La spéculation métaphysique est depuis toujours la grande affaire du monde indien. Certains, en particulier les shivaïtes du Cachemire, ont essayé de comprendre quelle fut la genèse du son et de la parole

COSMOGONIE : naissance du son et de la parole

Au début… RIEN, ou plutôt… TOUT. Mais sans formes, sans couleurs, sans odeurs, sans saveurs, sans attributs… Nous sommes dans l’inconcevable, c’est TAT (CELA). Pour les textes tantriques sur lesquels s’appuie cette cosmogonie du son (voir bibliographie), ce Tat est à la fois Pure Conscience (Shiva) en même temps que Pure Puissance (Shakti). Sous un facteur déclenchant cette puissance, cette énergie, va se tourner vers elle-même ; alors, au cœur de la plénitude, s’instaurera une séparation, une scission. L’aspect Shakti sera la lumière de la Conscience en tant qu’elle prend conscience d’elle- même, et en prenant conscience d’elle-même elle va devenir parole. Conscience et Parole seront une même énergie tournée vers le devenir.

Cette fulguration créatrice se traduit par une vibration (spanda), un dynamisme qui sera à la source d’un acte pur, libre et joyeux appelé ullâsa (joie, accroissement, de ullas briller, irradier, jouer, danser, être heureux et joyeux) : le processus de la manifestation. Cette puissance-énergie est totalement verbe-parole, mais parole encore immobile, non éclose. Nous sommes dans le silence, un silence vibrant, lumineux et joyeux, dans une étape appelée unmanâ : au-delà de la pensée.

Là, Shiva et Shakti, toujours unis en une polarisation qualifiée de masculine-féminine, sont représentés dans l’iconographie par un couple enlacé en une union éternelle. Sous l’effet de kâmakâla (la puissance du désir) cette vibration originelle va se condenser en un bloc concentré sur lui-même, en une «goutte» lumineuse, le bindu. Dans ce bindu se trouvent tous les phonèmes et la totalité de l’énergie phonique de l’univers à venir. C’est la parole rassemblée sur elle-même dans laquelle est contenu tout l’alphabet, de l’alpha à l’omega sanskrit (du A au HA) : 50 phonèmes, 50 prises de conscience, 50 aspects différents de l’énergie, c’est la mâtrikâ (la petite mère) ou mâlinî (la guirlande des phonèmes). On l’appelle la Parole Suprême (parâvâk). Au cœur du bindu va naître une rumeur (nâda), un son «non frappé», non manifesté , une résonance à la condensation sonore peu marquée et imperceptible, « comme le souvenir d’un écho lointain». C’est le moment de la séparation de Shiva et de Shakti. Alors se produit le sphota, l’Éclosion Cosmique, premier déploiement de la manifestation. Et ce nâda, tout en le remplissant, restera comme le bruissement de fond de l’univers.

Dans le mouvement de l’émanation cosmique, Shakti, dissociée de Shiva, en se densifiant dans tous les degrés de la matière fera apparaître tous les niveaux du cosmos du plus subtil vers le plus concret, vers le plus dense. Chez les humains elle reposera à la racine du corps, dans mûlâdhâra. Elle prendra alors le nom de Kundalinî, l’énergie absolue en œuvre dans le cosmos. Et en cette Kundalinî se trouve la guirlande de tous les phonèmes qui forment le son manifeste, audible et intelligible. S’il ne possédait pas ce niveau cosmique, l’homme ne possèderait pas les autres niveaux de conscience, et serait donc sans parole, disent les textes. Si, dans ce processus, la manifestation se condense, se durcit, s’opacifie, elle ne cesse pourtant pas de participer à la lumière, à la conscience et à la vie du principe fondamental qui l’anime, qui la rend vivante et la soutient. Cette lumière est seulement obscurcie, elle ne cesse jamais d’être présente, car alors le monde serait inerte et sans vie.

La dissociation de Shiva et de Shakti est donc en fait illusoire. Car, tout comme l’Absolu contenait en germe le cosmos manifesté, le cosmos contient en germe la transcendance pure. Et cette transcendance est donc «réalisable» par l’homme, autrement il lui serait impossible d’atteindre un Absolu qui serait uniquement transcendant. La Parole Suprême prend alors le nom de Parole Séminale.

« En cette déesse éclatante, plus subtile que le subtil, épouse de Shiva, se trouvent tous les dieux, tous les mantras, toutes les catégories ou bases principielles de la manifestation (les tattva) donc toute l’énergie phonique et ce qui en découle. Elle est faite de Shabdabrahman et prend la forme des 50 phonèmes. On trouve en elle le triple aspect de l’énergie (guna) symbolisée par le soleil, la lune et le feu. Elle est omnipénétrante, c’est l’énergie phonique animatrice et créatrice de l’univers. »

(Shâradâtilaka)

L’énergie présente en l’homme est celle-même du cosmos, et l’éveil des phonèmes est aussi bien celui qui donne la parole à l’homme que celui qui amène l’univers à l’existence. L’âme des phonèmes est le son (shabda) et celui-ci provient du souffle (prâna) qui les active. Le mouvement du souffle qui anime l’homme, l’énergie propre du souffle, celle des inspirations et des expirations est en même temps souffle cosmique. On nomme ce mouvement le hamsa (le cygne) mais surtout ham = je (suis) sa = cela; «ham» va se prononcer en inspirant et «sa» en expirant, ou bien «so» en inspirant et «ham» en expirant (le «so» étant une modification verbale de «sa»). La répétition spontanée de ce «ham sa» (21600 respirations par 24 heures) appelée ajapâjapa forme le mantra du souffle : je (suis) Cela ou Cela je (suis).

Dans l’expérience du yoga, le nâda est un son perceptible, une vibration sonore que l’on peut expérimenter en pratiquant par exemple parân mukhî mudrâ (H.Y.P. IV, 68) ou bien le pranava (Om) puis en affinant les perceptions et l’écoute des vibrations sonores qui deviennent de plus en plus subtiles jusqu’au silence vibratoire et même au-delà. « De même que l’abeille, occupée à boire le suc des fleurs, ne tient pas compte de leurs odeurs, l’esprit absorbé dans le nâda n’a aucun désir de jouir des objets des sens. Ce nâda est le croc acéré capable de contrôler l’éléphant ivre de l’esprit habitué à parcourir librement le jardin des objets des sens » (H.Y.P. IV, 90,91)

«Tant que le son est entendu existe la conception de l’espace. Au-delà du son est le suprême Brahman, célébré dans les hymnes comme le Soi suprême. Tout ce qui est entendu sous la forme du son (nâda) est seulement la Shakti. Ce en quoi les tattva (éléments de la matière) s’achèvent, ce qui est vide de toutes formes, c’est Parameshvara (la transcendance suprême)» (H.Y.P. IV, 101, 102)

Pour en revenir à l’émission de la manifestation, nous voyons que tout ce qui va prendre une forme est en même temps sonore, donc tout ce qui a une forme a un son et que l’univers tout entier n’est que champ et chant énergétique.

« Tout, les pierres, les arbres, les oiseaux, les hommes, les dieux, les démons, etc… ne sont en essence rien d’autre que la vénérable Parole Suprême sous la forme du Suprême Seigneur présent en toutes choses ». (Abhinavagupta)

LES QUATRE ÉTAPES DE LA PAROLE

Toujours pour cette pensée tantrique, il va y avoir une genèse de la parole humaine, car comme nous sommes à l’image du macrocosme quand nous, les hommes, allons émettre une parole le même processus de concrétisation que pour l’émission première va se reproduire.

La « Suprême » (Parâvâk)

Nous venons de voir que l’Énergie Suprême, la Shakti, sous l’appellation de Kundalinî se trouve symboliquement engrammée au plus profond du corps humain dans la zone appelée mûlâdhâra. Pure conscience, indestructible et éternelle, elle contient en puissance et de façon indifférenciée toutes les étapes de la parole, tous les phonèmes, toutes les paroles, tous les actes qui formeront l’univers de notre parcours de vie. Tout est en totale potentialité. Elle est la parole Séminale. On l’assimile au « aham », le « JE » absolu, la totale plénitude. Elle restera présente dans tous les niveaux suivants « car sans cela y règneraient l’obscurité et l’inconscience » (Abhinavagupta)

L’univers n’existe que dans la mesure où la Parole lui a donné naissance. Avant d’être manifesté, il est prononcé, et c’est de cette énonciation qu’il naîtra. Chez l’homme la parole est présente en toute pensée, en tout acte, elle est la conscience même, sans mots, sans discours, mais non sans parole, sans la parole d’avant toute parole. Même dans la profondeur du plus complet silence spirituel elle ne sera jamais totalement absente. Elle n’est pas la première étape de la parole, elle est la base des étapes suivantes.

Avec Parâvâk, la Parole Suprême, nous avons déjà en nous, inscrite au plus profond, la totale potentialité de nos développements dans la manifestation. Elle sera en même temps le support d’un processus de résorption nous permettant de revivre en conscience, de « réaliser », toutes les étapes nous permettant d’accéder à la totale plénitude. Ce support est déjà là, tout va dépendre de ce que nous allons en faire. Sous le nom de Kundalinî, nous voyons, nous comprenons que son éveil, son activation, n’est rien d’autre que l’éveil de la Conscience.

« Hommage à toi Sushumnâ, à toi Kundalinî, nectar né de la lune, … Énergie suprême, qui n’est que Conscience » H.Y.P. IV, 64

Avant tout langage, Parâvâk est une première prise de conscience. On peut l’assimiler au spanda, la vibration, le frémissement originel.

La « Voyante » (Pashyantî)

Puis apparaît comme un désir de voir, une première vision de ce qui va s’exprimer, se « manifester ». Une tendance, un mouvement vers les formes du langage, les mots, les phrases. La conscience se situe en ce moment qui précède la pensée discursive. Il y a comme une saisie synthétique où se met en place un élan, une énergie qui tend vers le vouloir parler.

Le signe et ce qu’il désigne ne sont pas encore séparés. La « voyante » est un élan vers la formulation pensée-parole, le moment où on tend vers une expression mentale et verbale discursive. À ce niveau se trouve la « goutte », le bindu, où tout est en potentialité. Et c’est aussi à ce niveau-là que se situe la mémoire envisagée en tant que conscience qui se replie sur elle-même.

Dans l’étape précédente tout était contenu dans une totale indifférenciation et de manière absolue. Ici, l’énergie de volonté, parce qu’elle tend vers le langage manifesté, limite la conscience suprême pour ne laisser jaillir que ce qui sera utile au but qu’elle se propose. Elle est à la fois immobile et déjà mobile.

La « Moyenne » ou « Intermédiaire » (Madhyamâ)

On sort de l’indifférenciation. On trouve enfin l’expression verbale (phonèmes, mots, phrases) et aussi la séparation propre au langage entre ce qui exprime et ce qui est exprimé. C’est la parole mentale. La «moyenne» se trouve au niveau de l’intellect, là où la conscience conserve encore une forme impersonnelle. On peut l’assimiler au nâda, la résonance primordiale. La « Moyenne » est le langage intérieur, la pensée.

« L’énergie de prise de conscience qui donne l’impulsion à l’organe interne formé du mental (manas), de l’intellect (buddhi) et du principe d’individualité (ahamkâra), et reposant dans le corps subtil ou stade « médian » du souffle, c’est la parole Moyenne… Quand je pense « ceci est une cruche »… La Moyenne se trouve être non seulement la parole qui exprime, mais aussi ce qu’elle exprime, en tant toutefois que parole mentale uniquement… Elle est Énergie de connaissance» (Abhinavagupta)

L’« Étalée », celle qui s’écoule (Vaikharî)

C’est le langage « grossier ». Tout ce qui compose le langage est là : phonèmes, mots, phrases et tout ce que cela exprime et désigne, l’ensemble de l’univers manifesté. Tout est nâma rûpa : son et forme. C’est le sphota, l’éclosion. L’homme se trouve dans l’usage de la parole. Malgré l’infinie variété et diversité des langues et des individus de par le monde, cette unité de nature à la fois du son et des niveaux de la parole restera la même, intacte.

Revoyons l’ensemble du processus qui amène une parole à être formulée :

1- Nous nous trouvons tout d’abord dans l’unité indifférenciée de la conscience dans l’état unmanâ (au-delà de la pensée). Seule existe la « vibration » (spanda) où tout est en potentialité. C’est la Parole Séminale. Il n’y a que silence et conscience. C’est le degré de la « Suprême ».

2 – Ici apparaît l’intuition de ce qui va advenir, l’amorce d’une volonté d’expression rassemblée sur elle-même (bindu). Ce moment charnière c’est le degré de la « Voyante ».

3 – Au niveau de la « Moyenne » la parole est mentale, c’est alors le langage intérieur : nâda et mâtrikâ.

4 – L’« Étalée » c’est l’éclosion (sphota) de la parole «grossière». Nous sommes dans les noms et les formes (nâmarûpa).

Mais l’unité sous-jacente demeure (Shabda Brahman), les degrés antérieurs restent toujours présents.

Nous venons de voir deux aspects de l’énergie sonore qui sont des genèses de la parole. Celle, primordiale, dont le processus amène à la manifestation. Puis les quatre niveaux de la parole quand elle est émise par l’homme. Or les textes du shivaïsme du Cachemire (le Shâmbhavopâya d’Abhinavagupta) poussent à l’extrême cette métaphysique de la parole en analysant à travers chaque phonème de l’alphabet sanskrit toutes les

(à suivre…)
L’Énergie de la parole – André Padoux (éd. Fata Morgana)

Lumière sur les Tantras (Tantrâloka) – Abhinavagupta trad. Lilian Silburn (éd. De Boccard)

Féminité de la parole – Charles Malamoud (éd. Albin Michel)

Les dieux magiciens dans le Rig Veda – Patrick Moisson (éd. Archè)

Le Veda – trad. Jean Varenne (éd. Les Deux Océans)
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